Niomré1858 : Resistance armée de Tafsir Mactar Binta Lo face aux troupes coloniales de Faidherbe

par | Juin 14, 2025 | A la Une, Culture | 0 commentaires

Le 6 et 7 mars 1858, le village de Niomré dans le Ndiambour fut le théâtre d’une résistance farouche contre l’expédition punitive du gouverneur Faidherbe. Un combat héroïque mené par Tafsir Mactar Binta Lo, dont le sort reste encore aujourd’hui inconnu. L’heure est venue de réhabiliter cette figure majeure de la résistance sénégalaise.

Après sa défaite le 25 février 1855 face aux troupes françaises de Louis Faidherbe, la Linguère Ndaté Yalla Mbodj, dernière souveraine du Walo, s’était réfugiée avec son fils Sidya dans les villages du Ndiambour, notamment à Koki, Niomré et Mbirama. Une présence qui ne tarda pas à inquiéter l’administration coloniale, exaspérée par les raids répétés dirigés depuis cette région par Youga Fally Aram Bakar Dieng.

En décembre 1857, le lieutenant Alioune Sall est envoyé à Niomré avec une vingtaine de spahis pour exiger l’extradition de la Linguère et le retour de son fils auprès de son père, Béthio Sakoura. Mais Tafsir Mactar Binta Lo, suppléant du chef Ndiouga Anta Dické Lo, rejette la demande : pour lui, le droit d’asile et les principes religieux ne sauraient être violés, surtout lorsqu’il s’agit de protéger des parents. L’expédition échappe de peu à une attaque des populations locales.

Humilié, le gouverneur Faidherbe décide de mener une vaste opération punitive. À la tête d’une colonne de 3 200 hommes et 400 cavaliers, il entre dans le Ndiambour dès mars 1858. Les villages de Keur Seyni Diop, Ntogeul et Ouadane sont incendiés, mais c’est à Mbirama que se produit le premier affrontement majeur, le 6 mars. Vingt guerriers du Ndiambour y tombent, dont le fils de Ndiouga Anta Dické.

Le 7 mars, malgré une résistance acharnée menée par Tafsir Mactar Binta Lo, le village de Niomré est pris, pillé et entièrement brûlé. Des dizaines de combattants y perdent la vie, et le jeune Sidya est capturé. Dans ses mémoires, Faidherbe reconnaît lui-même l’importance stratégique et humaine de Niomré : « Ce village de 5 000 âmes était le plus beau et le plus considérable du pays. »

Tafsir Mactar Binta Lo, arrêté, disparaît à jamais dans les geôles coloniales. Aucune source officielle de l’administration française ne révélera ce qu’il est advenu de ce résistant, figure marquante de l’opposition à la domination coloniale.

Pourtant, les traces de cette bataille subsistent. Une rue baptisée « Niomré » dans le quartier du Plateau à Dakar en est une preuve amère, rappelant la victoire coloniale plutôt que la bravoure des résistants sénégalais. Le moment est venu de rebaptiser cette rue au nom de Tafsir Mactar Binta Lo, en hommage à son sacrifice et à son engagement indéfectible pour l’honneur et la dignité de son peuple.

Au-delà de ce geste symbolique, l’État sénégalais doit interpeller les autorités françaises pour faire la lumière sur le sort de ce héros disparu, afin que l’Histoire puisse lui rendre justice.

Enfin, les descendants de Tafsir Mactar Binta Lo à Darou Khoudoss et Gouye Mbind — notamment par l’intermédiaire de sa fille Sokhna Aminata Lo Khary, mère de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké et de Serigne Amadou Lamine Bara Mbacké — sont appelés à organiser des journées de prière à Niomré. En communion avec la famille de la Linguère Ndaté Yalla Mbodj, ces journées seraient un acte de mémoire collective, de foi, et de patriotisme.


Par Diawdine Amadou Bakhaw DIAW
Président du MBootayu Léppiy Wolof

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